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Star Trek Online

Ombres mouvantes

By Nevandon | Fri 20 Apr 2018 09:00:00 AM PDT

Le ciel était encore fendu par d’occasionnels éclairs. De la surface, il était difficile de discerner un combat se déroulant en orbite, mais l'explosion d'un vaisseau détruit était trop grosse pour être ignorée, et les débris pleuvant dans l'atmosphère laissaient une traînée orange incandescente rappelant des météores.

Hakken luttait pour se relever ; ses yeux embués ne lui laissaient percevoir que des images floues des explosions parsemant le ciel. Une silhouette sombre se dressait devant lui et une paire de mains lui attrapa les bras, puis une autre. Les deux personnes le mirent debout. Il cligna des yeux plusieurs fois et regarda par dessus son épaule. Le restaurant s'était effondré ; Il avait été suffisamment chanceux pour réussir à dégager la porte d'entrée juste avant l'explosion. Des débris jonchaient la rue, et les feuilles bleues des parterres étaient brûlées et éparpillées.

Hakken essaya de se redresser, mais une douleur fulgurante dans la hanche le fit s'appuyer lourdement sur les deux personnes qui le soutenaient. « Je... je crois que je suis blessé », réussit-il a prononcer. Haletant en raison de la douleur qui l'ébranlait, il ferma à nouveau les yeux brièvement, puis se concentra sur ses sauveteurs. Ses yeux arrivaient enfin à faire la mise au point.

L'un d'entre eux était une femme âgée aux cheveux gris et des rides autours de ses yeux étroits. Malgré son âge apparent, elle était encore alerte et ses doigts fins le tenaient fermement par le bras. Elle portait une robe ample grise avec une sacoche à la ceinture. Elle était accompagnée d'un jeune garçon, sans doute un adolescent, vêtu d'un caftan à paillettes à la mode et d'un pantalon noir. Tous deux étaient affublés d’arêtes osseuses similaires partant du nez et remontant jusqu'au sommet de leur crâne, ils devaient sans doute être de la même famille. Une grand-mère et son petit-fils sans doute.

« Que se passe-t-il ? », parvint-il a énoncer. La poussière des décombres logée dans sa gorge lui donnait une voix éraillée. Il toussa puis déglutit, et réessaya de parler. « Il y a eu une alerte au sujet d'un attaque imminente et puis... Tout s'est passé si vite. »

La vieille femme répondit : « Oui, il y a eu une attaque. Des monstres en maraude venus de l'espace ! Des hordes ont passé les vaisseaux de patrouille et foncé vers le sol, réduisant tout en poussière sur leur passage. » Elle eut un ricanement inquiétant comme seules les personnes âgées savent le faire.

Hakken inclina la tête d'un air confus. « Comment cela est-ce possible ? Le Dominion… le Dominion aurait dû nous protéger. »

« Ce n'est qu'une question de temps ! dit le jeune garçon d'un air hautain et avec fermeté. Ils viendront ! Les Jem’Hadars se débarrasserons de nos ennemis jusqu'au dernier. »

La veille femme secoua la tête tristement. « Ces extraterrestres ont déjà atterri ; nous ne pouvons pas attendre les secours. Il nous faut rejoindre un abri. »

Hakkon réalisa sa position. Un abri... pas trop loin ; le restaurant n'était qu'à cinq pâtés de maison de l'un d'entre eux. Une chance. Il pivota légèrement, et sa hanche le lança à nouveau. Il grimaça et s'appuya sur le garçon pour ne pas flancher.

« Je suis vraiment blessé, dit-il. Je ne pense pas pouvoir marcher tout seul. »

Le garçon se décala et posa le bras d'Hakken sur son épaule en disant : « Je vais vous aider. Allez ! Nous pouvons y arriver et là, nous saurons ce que fait le Dominon et quand ils en auront fini avec ces envahisseurs. »

La vielle femme relâcha sa prise et avança vers un mur à demi effondré du restaurant, là, en s'y agrippant, elle jeta un œil sur la rue principale. Aucun véhicule anti-gravité ne circulait désormais ; les seuls bruit que l'on pouvait entendre étaient les soupirs de victimes agonisantes, et les étincelles d'un panneau électrique endommagé. Sans les lumières artificielles, la nuit était d'une obscurité terrifiante. Hakken avala sa salive.

« Je suis du quartier, dit-il. L'abri est dans cette direction – à seulement cinq rues d'ici. Nous pouvons l'atteindre si la voie est dégagée. Il y a un parc à deux pâtés de maison d'ici. C'est un grand espace ouvert ; il n'y aura aucun risque d'être ensevelis ou bloqués si nous le traversons. »

Un cri soudain retentit dans la nuit, et le silence revint. Un bref soupir suivit, puis un cliquetis rapide à peine audible, semblable à des osselets dégringolant d'un toit en tuiles.

« Qu'est-ce que c'était ? dit Hakken, on dirait qu'ils... exécutent des gens ? »

« C'est l'un des ces monstres, dit la vieille dame sûre d'elle. Nous ne pouvons pas rester. Lam, mon enfant ? Allons-y. »

Le garçon répondit d'un ton maussade : « Je préférerais que tu ne m'appelle pas "mon enfant". Je suis presque un adulte. » Malgré ses paroles, Hakken sentit sa poigne se faire brièvement plus ferme. Cet horrible son l'avait secoué lui aussi.

« Allons-y. Par là », dit Hakken. Le trio traversa avec difficulté la voie accidentée et se cacha sous le auvent à demi détaché de l'échoppe d'un tisserand. Des lumières vacillaient dans la devanture en raison des flammes qui décoraient ses articles – couvertures, vêtements et autres accessoires finement décorés.

« Qui serait suffisamment fou pour attaquer Karemma ? se demanda Hakken à haute voix. Déclarer la guerre au Dominion n'est ni sage, ni profitable. »

« Je parie qu'il s'agit des Klingons ! dit le garçon. Ceux du quadrant Bêta ! Ils adorent se battre avec tout le monde. Et ils sont stupides. C'est eux les coupables...  »

La vieille dame coupa la parole au garçon – Lam – et dit : « Il ne s'agit pas des Klingons. Les Klingons emploient des disrupteurs et des torpilles à Photons. Pas nos envahisseurs. C'est ce que dit l'Informateur. Ils volent à travers l'espace et mettent nos vaisseaux en pièces, puis ils nous tombent dessus depuis le ciel. Comme ça. » Elle pointa en direction des ruines du restaurant, duquel un morceau de roche enfoncé dans le toit dépassait. Incrusté de cristaux gris et de roche noire, il fumait encore de son entrée dans l'atmosphère.

Hakken déglutit et dit : « Je suppose que je peux m'estimer heureux que le restaurant ait été aux normes. »

Le petit groupe avançait doucement dans l'obscurité, choisissant leur chemin du mieux qu'il pouvait grâce aux étoiles et aux feux. Après le tisserand, se trouvait un kiosque à information encore alimenté par son générateur de secours, et dont l'écran fêlé affichait seulement un cercle barré signifiant qu'il était hors ligne. Aucune information à venir.

La vielle dame fronça les sourcils. « Ils pourraient au moins nous dire qu'ils vont envoyer des renforts, dit-elle en colère, et donnant un coup de pied à la base de la station. Ou au moins indiquer la direction de l'abri le plus proche ! Ils auraient dû mieux concevoir ces machins. »

« Grand-mère, je vois quelque chose, dit Lam. Il retira une main de Hakken pour pointer du doigt dans une direction. Regarde par là. Il y a quelqu'un d'autre. »

Hakken étira le cou pour mieux voir. Un autre survirant gisait effectivement seul au milieu de la rue, entouré de cadavres. Le survivant respirait par petites saccades et ne pouvait pas se relever. Il était probablement étourdi par le choc de l'explosion.

« Aidez moi à l'atteindre, dit Hakken. Je suis... je suis médecin. »

Le vieille femme se tenait encore contre le kiosque tandis que Lam et Hakken claudiquaient vers le malheureux. Dans le noir il était difficile de percevoir les détails, mais Hakken voyait déjà que leur aide serait vaine. Un trou béant perforait le thorax de l'homme. Le fait même qu'il ait réussi à tendre la main relevait du miracle, mais sa poitrine ensanglantée ne laissait pas de doute sur sa mort imminente. Il ne s'agissait pas d'un Karemmien, non plus ; son front était orné des tatouages bleus élaborés d'un Wadi et il portait une moustache élégamment peignée.

« Pouvez-vous le sauver ? » demanda Lam.

D'un ton désemparé, Hakken murmura « Si j'avais eu mon kit médical... mais ce n'est pas le cas. J'étais en train de dîner. Il n'y a rien que je puisse faire pour lui en cet instant. Aidez-moi à m'agenouiller. »

Lam eut une brève inspiration alors qu'il se rendait compte de la gravité de la situation, et aida Hakken à se baisser. Hakken grimaça de douleur en se penchant en avant vers le Wadi mourant. L'homme ne pouvait pas parler – sa blessure était trop sévère – mais ses yeux rencontrèrent brièvement ceux d'Hakken. Sa main tendue trembla et retomba sur son épaule. Elle l'agrippait à la fois à l'épaule et au cou, tachant de sang sa peu orange, puis il tourna le poignet et pointa d'un doigt tremblant juste avant de mourir.

Hakken regarda dans la direction indiquée par l'homme et vit quelque chose bouger par la fenêtre du second étage d'un immeuble résidentiel du coin de la rue. Il ne s'agissait ni d'une personne, ni d'un robot domestique. Cela ressemblait, du peu qu'il ait pu voir, à un genre d'insecte grêle en pierre – une large tête, semblable à un ovale aplati et surmonté de cornes tordues à angles aigus – et il avait eu l'impression farouche qu'il les avait vu.

« Il faut partir, lança-t-il. Lam l'aida à se relever et ensemble ils se hâtèrent vers le kiosk. Venez, l'un des ces monstres est ici ! »

La femme grommela « Alors pourquoi perdons-nous notre temps à rester là ? Plus vite ! », elle avançait rapidement le long de la voie, passant des devantures de magasins en ruines, des lampadaires abattus, et la carcasse d'un véhicule anti-gravité retourné. La douleur exercé par sa hanche sur ses chairs faisait haleter Hakken. Facile à soigner pour un toubib ! Mais dans la zone dévastée d'un champ de bataille, il n'avait ni le temps, ni les ressources pour se fabriquer une atèle.

« Il arrive ! cria Lam. La porte de l'immeuble d'en face s'ouvrait à mesure qu'un appendice ressemblant à une pince à trois branches la broyait. Masquée par la pénombre, la créature de roche fit un pas hésitant dehors, puis se pencha légèrement en avant. Ses pattes se plièrent vers l'arrière pour la rapprocher du sol.

« Je suis là, dit la dame. Lam, par le bâtiment. » Elle indiqua la façade d'une ancienne station de divertissement holographique. Le mur du fond avait été balayé par un autre impact. Les trois se précipitèrent dans le bâtiment pour profiter de cette couverture, tandis qu'ils pouvaient entendre le cliquetis inquiétant de rapprocher depuis l'avenue. La vieille dame pointa le comptoir. « Derrière, il ne pourra pas nous voir ! murmura-t-elle prestement.

Ils s'y dirigèrent tant bien que mal. Lam se pencha, pour aider Hakken à s’asseoir. De la sueur perlait sur le front du garçon, en raison de l'effort demandé pour le soutenir. La femme s'accroupit et fouilla sa sacoche tandis que Lam tentait un coup d'œil furtif par dessus le comptoir. Hakken se contentait de fermer les yeux en essayant de reprendre son souffle.

Une exclamation de Lam lui fit rouvrir les yeux. Le garçon était à plat ventre ; Hakken tourna la tête, mais il ne pouvait rien voir sans se rapprocher du bord. Il essaya de se relever pour mieux voir, ou  plutôt voir tout court, et réalisa qu'il pouvait entendre le cliquetis des pattes de l'exosquelette de la créature sur le sol – clic, clic, pause. Clic, clic, pause.

La vieille dame accroupie pivota, puis se releva. De sa sacoche, elle sortit un disrupteur. Elle le pointa en direction de la créature et pressa la détente du petit pistolet qui lança un éclair crépitant d'énergie verte dans un bruit strident.

Hakken pouvait désormais voir la créature, qui s'était redressée. Elle essayer d'esquiver d'avant en arrière, et la femme tira à nouveau. Elle fit un pas en avant et tira une troisième fois. Le monstre tomba à la renverse, contre le mur, lâchant un cri aigu, suivi d'une onde de choc qui secoua l'air. Le disrupteur fut éjecté de sa main et le contenu de sa sacoche se répandit, tandis qu'elle était percutée de plein fouet par le souffle d’énergie sonique générée par l'air comprimé et explédiée au sol.

Lam se précipita à quatre-pattes vers sa grand-mère. « Grand-mère ! », murmura-t-il pris de panique.

De ses lèvres ecchymosées, la vieille dame dit, « Lam. Va-t-en ! Il faut part... »

Elle était morte.

Hakken changea de position et commença à ramper dans la direction opposé. Derrière le mur pulvérisé se trouvait le parc dont certains buissons étaient encore en feu, et derrière le parc, on pouvait apercevoir un faisceau lumineux indiquant l'abri.

« Allez », dt-il a Lam. Il attrapa le bras du garçon, mais celui-ci le repoussa.

« Vous devez l'aider ! pleura-t-il. Elle est blessée ! »

« Elle est morte, dit Hakken. Elle a fait ça pour nous sauver. Allez ! Il faut partir au cas où la créature est encore en vie. »

Essuyant ses larmes, il lâcha un cri de rage étouffé, puis passa une main dans les cheveux gris de sa grand-mère. « Elle va se réveiller. Elle est forte. Vous verrez. »

Hakken retint sa peur et sa frustration grandissantes. « Regarde, nous pouvons voir l'abri ! Il est juste là ! Si nous l'atteignons, nous pourrons obtenir de l'aide de la milice. Ils peuvent envoyer quelqu'un pour elle ! Allez ! », dit-il en tentant de s'appuyer sur sa jambe, mais il se rendit compte qu'il ne pouvait par marcher tout seul. Avec difficulté, il rampa vers ce qui était jadis un mur, par dessus les décombres, et en direction du parc. « Allez Lam ! »

Lam secoua la tête, des larmes coulaient sur ses joues, tandis que la créature rampait vers le comptoir. Tout comme Hakken, elle se tirait, rampait, et poussait avec une patte, l'autre ne ressemblant plus qu'à une amas de métal et de chairs brûlées par le disrupteur.

Hakken s'accrocha à l'arbre le plus proche et se releva en s'appuyant dessus, puis sauta à cloche-pied vers le suivant de façon maladroite. Il entendit derrière lui le bruit de quelque chose qu'on écrase, puis celui d'un corps tombant au sol. Il ne se retourna pas pour voir de quoi il s'agissait. Là – un banc en morceaux. Il se jeta au sol, rampa sans sa direction, et ramassa un morceau de bois de bonne longueur. Après l'avoir testé, il s'appuya sur cette béquille de fortune et parvint à se tenir debout.

Clic, pause, traînement. Clic, pause, traînement, le bruit le suivait.

Il continuait à avancer, en boitant du mieux qu'il pouvait à travers le parc. Il se cacha derrière un autre arbre et se permit un coup d'œil en arrière.

La créature continuait à se traîner derrière lui. Ses griffes reflétaient les feux alentour, et sa tête semblait prise de tremblements alors qu'elle émettait des cliquetis ensuivant un rythme. Était-elle en train de se moquer de lui ? Ou de le provoquer ? Elle se redressa, et Hakken se plaqua au sol juste à temps pour éviter le choc sonique qui pulvérisa l'arbre juste au-dessus de sa tête. Le tronc vola en éclats, et des fragments de bois vinrent se planter dans son visage. Il ignora la douleur et essaya de se relever, claudiquant vers la station. Continuant cette course-poursuite au ralenti incongrue, la créature le suivait toujours.

Alors qu'il passait un parterre de fleurs calcinées et une statue brisée, la planche qui servant de béquille céda. La douleur ressenti dans sa hanche le fit culbuter en avant et il manqua de s'évanouir en touchant la bande magnétique de l'avenue. En se roulant sur le dos, il regarda par dessus ses pieds ; La créature le suivait inexorablement. Il se remis sur le ventre et rampa, poussa, lutta de toutes ses forces, transformant ses grognements en cris à mesure qu'il se rapprochait de l'abri et de sa lumière bienveillante.

Il se traîna jusqu'à l'autre côté de l'avenue, et poussa sur ses bras de toutes ses forces pour se hisser jusqu'au trottoir. Il tendit la main vers la surface de métal mate de l'abri conçu pour résister à un bombardement orbital, programmé pour envoyer un signal de détresse au Dominion, et possédant des sous-sols capables d'abriter un millier de réfugiés. Ses doigts effleurèrent la porte – enfin sauf.

La porte resta close.

Hakken s'approcha en se hissant de l'autre main. Le panneau de contrôle luisait d'une lumière impassible. Il étira le bras autant que possible et toucha le panneau. Le système émit un bourdonnement, la porte grinça, mais elle refusa de bouger.

Il regarda par dessus son épaule un nouvelle fois, et se retourna pour appuyer son dos contre la porte. Il continuait de poser sa main sur le panneau, mais seul le bourdonnement lui répondait. De l'autre côté de la rue, la créature se figea. Elle inclina la tête. Elle l'observait.

Il se résolut à baisser le bras, et se contenta de respirer sans la quitter des yeux. Une goutte de sueur coula de son nez et vint s'écraser sur son Kaftan crasseux. Il jaugea le morceau de planche de bois qu'il lui restait. La créature et lui s'observaient de chaque côté de l'avenue.

Pourrait-il magnétiser la bande et l'immobiliser ?

Passer outre les contrôles et forcer l'ouverture de la porte avec sa planche ?

Ou appeler une auto anti gravité en espérant qu'elle ne distingue pas la créature et la renverse, ou simplement ne la bloque ?

Il s'imaginait tous les hypothèses possibles, et ferma les yeux pour mieux se concentrer.

Clic Pause. Traînement.

Clic. Pause. Traînement.

Il rouvrit les yeux. La créature avait réussi à descendre du trottoir d'en face et se trouvait désormais au milieu de l'avenue. Maintenant... c'est maintenant ou jamais...

Déjà, elle se cambrait en relevant la tête.

Il baissa les paupières.

Un cri extraterrestre vint percer la nuit.

Puis plus rien.

Jesse Heinig
Staff Game Designer
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